Publié aux États-Unis en 1933 Anthony Adverse passe aux yeux d'une franc-maçonnerie de lecteurs inconditionnels pour le classique absolu du roman-fleuve même si sa tonalité ombreuse mélancolique presque nous entraîne fort loin des conventions du genre. Ainsi rivalisera-t-il avec Autant en emporte le vent auprès de quelques centaines de milliers de lecteurs juste avant et après la guerre ¿ et ce même dans la collection aventureuse inaugurée à l'époque par les Éditions Gallimard où parurent en traduction les deux livres. Le roman de Hervey Allen (1889-1949) qui ne cesse mille pages durant de dérouter superbement et jusqu'à la toute fin l'attente du lecteur s'attira à l'époque les reproches de la critique bien-pensante inspira un grand film signé Mervyn LeRoy ¿ puis se laissa oublier dans la plupart des pays où il avait été traduit : il n'est jamais facile de réimprimer un récit de cette ampleur même s'il a pour lui d'assez rares mérites. Enfant trouvé jouet d'un destin en forme d'énigme qu'il aura toutes les peines à débrouiller le jeune Anthony comme son époque (celle de la Révolution et de l'Empire) cherche son identité par vents contraires ¿ et désespère de jamais la trouver. Tout l'art d'Allen consiste au gré d'une action à rebondissements dont le fil court entre l'ancien monde et le nouveau à saper une à une nos certitudes les mieux établies et à insinuer en nous ce soupçon : pouvons-nous jamais être autre chose que des bâtards de la vie laquelle ne saurait être elle-même que beaux mensonges poursuite du vent exil ?