Napoléon qui forgea des institutions administratives puissantes et durables l'a lui-même reconnu : il fut un politique avant d'être un militaire. Empereur à 35 ans ce propagandiste de génie organisa un pouvoir personnel absolu reposant sur l'ordre et sur la gloire. Ayant porté par ses victoires la France aux dimensions de l'Europe il dut plus qu'un régime construire un système. Il trouva des adversaires résolus bien que d'inégal danger chez les émigrés et leurs réseaux ou chez les intellectuels de Chateaubriand à Madame de Staël. Il fut la cible de complots dut compter avec les intrigues de ceux qui le servaient chefs militaires ou ministres et qui tels Fouché ou Talleyrand étaient prêts à l'abandonner ou à le trahir. Il lui fallut composer avec la force retrouvée de l'Église ainsi qu'avec la puissance sociale nouvelle des notables. Il dut enfin dans la solitude du pouvoir affronter non seulement l'irritation croissante des populations étrangères vassalisées mais aussi la plus sourde des oppositions : la lassitude de son propre peuple. Revenu de l'île d'Elbe il affecta trop tard de se faire libéral. Le mythe qu'il édifia à Sainte-Hélène devait être son ultime acte politique. L'ère impériale a marqué une étape décisive dans la construction politique de la France contemporaine et la formation de l'esprit collectif des Français. Napoléon fut-il le premier dictateur moderne qui pérennisa à sa manière l'acquis de la Révolution ? Ou poursuivit-il un autre but restaurer un ordre monarchique qui ne pouvait plus être celui des Bourbons mais qui devait rompre résolument avec les désordres révolutionnaires ? Plutôt qu'un continuateur ou un héritier de 1789 ne fut-il pas l'initiateur d'une profonde révolution conservatrice celle que la monarchie n'avait pas su imposer ? Depuis la Révolution la France n'a cessé de chercher à recréer un pouvoir qui dure. En ce sens l'épopée conquérante de l'Empire fut aussi notre première grande aventure politique porteuse de leçons et source d'inépuisable nostalgie.