Sur fond noir et sol noir des personnages habillés de noir se livrent à des actions collectives dont le sens nous échappe. Saugrenues poétiques ou inquiétantes comme dans un rêve les scènes ne semblent pas étonner ceux qui les interprètent : ils gardent quelle que soit la situation un sérieux de cérémonie. Les modèles sont de tous âges. Les signes sociaux sont effacés par l'harmonie noire de leurs sobres vêtements. À la différence de ses travaux antérieurs qui s'inspiraient de codes visuels établis (Rugby Pornographie Actualités) Édouard Levé a conçu ces tableaux vivants d'imagination en les dessinant sans se référer à un univers sémiologique préexistant. Il déjoue les certitudes de la représentation. Le sens fuit à mesure que l'on s'en approche. Aucune solution n'est donnée à ses rébus esthétiques. Quant au texte il ne faut pas compter sur lui pour nous révéler des secrets. Ni critique d'art explicative ni poésie traquant l'analogie du verbe et de l'image il s'inspire des photographies pour mieux les brouiller. L'auteur adopte le point de vue de personnages choisis dans certaines photographies et décrit ce qu'il perçoit de la scène à la première personne. Les remarques de cette collection de fantômes s'enchaînent sans transition.