Pour détacher un homme de sa peau alterne textes courts maximes et pensées. On y sonde la vertigineuse désespérance de l'auteur à l'égard d'un monde où la niaiserie rivalise de fausse prétention où les êtres s'agitent autour du moindre néant et s'échinent à pervertir mot après mot le langage. Un livre d'altitude autant que de solitude donc. Et pourtant à le lire on se surprend à jubiler. Car si chaque page constate et pourfend un mal contemporain elle en est aussi le meilleur antidote littéraire d'un pessimisme paradoxalement réjouissant. Ainsi entrer dans un ouvrage de Pierre Lafargue c'est s'adonner au pur plaisir d'une langue souvent érudite ou précieuse mais surtout savoureuse par le luxe de ses sonorités et d'une force rythmique hors du commun. Tout converge en ces fragments de prose pour faire voler en éclats de rire l'esprit de sérieux. Il suffit de prêter l'oreille à ce verbe haut qui conjugue impertinence et impatience. "La colère de qualité renferme une telle quantité de noblesse humaine que fracasse-t-elle votre crâne entre l'enclume et le marteau de ses raisons vous chantez encore sa gloire." Dès lors inutile de chercher à décortiquer le moindre propos car si "la philosophie est amusante la poésie a de meilleures chevilles elle va plus loin."