De Jean Potocki on sait qu'il écrivit un livre appelé à devenir mythique le Manuscrit trouvé à Saragosse et qu'il polit son suicide comme son chef-d'œuvre avec une minutie qui fascina Caillois et les surréalistes. Mais où que l'on aborde dans la vie du comte Jean c'est l'étrangeté qui surgit. Ce grand seigneur polonais richissime peut se piquer de politique et de patriotisme devenir député en son pays le goût de l'aventure le jette bientôt à la découverte du monde là où l'Histoire palpite : la France de la Révolution où il fréquente Mirabeau et Mme de Staël qui l'appelle son « beau ténébreux » la Russie où il devient conseiller privé du jeune tsar Alexandre 1er la cour du sultan du Maroc où il promène ses innombrables malles... Dans les salons aristocratiques le désert d'Égypte ou les steppes du Caucase le comte laisse derrière lui le souvenir d'un original d'un érudit distrait et gaffeur. Car ce fils des Lumières passionné de sciences et d'histoire se livre corps et âme aux projets les plus fous : il se fait construire un ballon en son palais de Varsovie afin de survoler la ville il échafaude pour le tsar l'annexion de la Tchétchénie il crée une imprimerie pour diffuser ses livres il imagine de fonder une ville nouvelle en Crimée... Et puis en 1815 d'une balle dans la tête le comte Jean tire sa révérence au monde. Il a en guise d'ultime pensée jeté quelques dessins fantastiques sur une feuille de papier...