« Au mois de juillet 1957 je me trouvais à 150 kilomètres d'Alger en Grande Kabylie dans le village d'Agouni-Ghéran. Après une longue succession de collines plantées d'oliviers une piste sableuse d'une dizaine de kilomètres on tombait sur ces maisons de terre aux toits-terrasses soutenus par des poutres de bois. Quand je suis arrivé là j'ai été frappé par la chaleur incroyable. Tous les villages étaient en guerre protégés par des sacs de sable. Cette région du douar Kouriet était appelée « le pays de la soif et de la peur » à cause de l'aridité du paysage et de l'angoisse qui nous tenaillait : le relief montagneux et escarpé nous obligeait à nous déplacer à pied et nous étions alors particulièrement exposés. » « Il y a quelques mois encore je continuais à enterrer cette guerre à ne pas en parler. Mais son retour sous les feux de l'actualité m'a trop dérangé. Quelques gestionnaires d'une mise en scène spectaculaire n'ont voulu montrer qu'une face de l'Histoire. Un million de civils ont été tués. La honte ne réside pas seulement dans la torture mais aussi dans la guerre. Cette guerre curieuse coloniale qui prétendait faire le bien des populations. » Jean Faure