Ce numéro consacré à Theodor W.Adorno donne un aperçu précis de sa démarche philosophique de la manière dont il trace progressivement la voie de la dialectique négative par le jeu de lectures critiques qui s’étayent les unes les autres. Lors d’une discussion avec Horkheimer à l’époque de la rédaction de La dialectique de la raison Adorno affirmait : « une négation déterminée de la position hégélienne serait l’optimum d’une vérité théorique telle que je peux me la représenter ».Pour élaborer une dialectique matérialiste sans synthèse ni perspective d’une fin de l’histoire une lecture fine et pugnace de Hegel est nécessaire : contre le dépassement dialectique de la scission du sujet et de l’objet il faut ainsi maintenir le primat de l’objet ce qu’une reprise critique de la « chose en soi » permet de faire. Kant Nietzsche Marx aussi bien que Freud sont lus et mis à contribution pour parvenir à délivrer la dialectique de son essence affirmative et réussir à viser la concrétude sans la dissocier artificiellement des rapports sociaux et des conflits qui s’y déploient. L’interprétation divergente du concept hégélien d’expérience par Heidegger et Adorno manifeste leur opposition inconciliable et le choix affirmé contre la pensée de l’être d’une métaphysique renouvelée.