Le cinéma d’Akira Kurosawa : une œuvre d’une rare violence ne reculant pas devant la brutalité. Pour le comprendre Alain Bonfand n’a pas hésité à transposer dans son écriture ce que ce cinéma comporte de folie. Le tissu même de son livre communique au lecteur en l’incarnant la sauvagerie de la gestuelle et du montage de ce cinéaste.Que l’on soit ou non connaisseur de Kurosawa le texte de Bonfand dégage une extraordinaire autorité. Le savoir n’est pas mis en avant pour lui-même quoique une évidente familiarité avec la culture japonaise entre ici pour beaucoup dans le sentiment de justesse des analyses. Mais l’essentiel est une étonnante lecture en profondeur qui fait vivre tout autrement ce cinéma qui n’a souvent été apprécié que pour les plus mauvaises raisons. La construction du livre est limpide. Chaque partie gravite autour d’un centre : la figure le motif le phénomène l’immontrable la théorie des genres la magnifique intuition surtout de « ce qui aveugle ». La guerre est associée au thème surprenant de la « maladie de la terre »; le kamikaze (« vent divin ») à la tuberculose si importante chez Kurosawa; l’aveuglement à la mort et à l’impossible bien sûr mais aussi à cent motifs particuliers. Cette pratique à la fois soutenue et légère de l’analyse ces démonstrations économiques et concrètes de ce que c’est qu’une mise en scène orientée par une puissance figurative libérée de la thématisation proposent pour finir une thèse fondamentale : l’idée esthétique donne plus que le concept.