Leibniz désirait que les plus abstraites disciplines s’accomplissent en des êtres vivants. La mathématique d’où s’était échappé l’art de démontrer la vérité totale lui eût paru vaine si enne n’eût finalement régénéré les hommes. Dès lors la philosophie qu’elle soit politique religieuse métaphysique ou logique ne se parachève qu’une fois objectivée chez nous tous. Leibniz est ambitieux de vivre les doctrines.[…] Les projets et les œuvres qu’autour de lui d’autres hommes élaborent sont si abondamment recueillis et si fortement recomponsés par Leibniz qu’on les croirait tout entiers et immédiatement issus de son esprit. Une telle fusion avec les choses observée du dehors ressemblerait à une multiplicité artificielle et insincère. Tout au contraire si l’on s’efforce de saisir Leibniz intimement on ravit de plus en plus un secret mystique qui produisit le Leibniz vivant concret non réductible à une seule discipline attirant à soi toutes les puissances contemporaines. Mouvements mystérieux vers autrui provoqués par une force jamais satisfaite d’elle-même.Comment dès lors ne se serait-il pas extériorisé jusqu’à créer de soi plusieurs personnages? De là sans doute les dialogues mystiques. Car les êtres qu’il y remue ne sont pas seulement des types humains. ne manifestent-ils pas quelquefois Leibniz lui-même poussant à la limite certaines perspectives de son âme?