Publiée en 1644 la Disquisitio metaphysica de Gassendi plus connue en français sous le titre d'Instances constitue sans doute la critique la plus systématique jamais entreprise de la métaphysique de Descartes. Insatisfait des réponses apportées par ce dernier aux Ve Objections Gassendi soumet ici chaque page du texte des six Méditations métaphysiques à ses « doutes » et « instances » passant ainsi l'ensemble de la métaphysique cartésienne au crible d'un matérialisme subtil et cohérent issu de la tradition antique mais enrichi des avancées scientifiques de son siècle.De ce fait la Disquisitio se présente aussi et surtout comme la première confrontation radicale entre la tradition matérialiste et le dualisme moderne établi par Descartes. Tout au long de ce livre l'argument majeur de Gassendi consiste en effet à souligner la contradiction qu'il y a à vouloir concilier comme le fait Descartes d'une part la distinction réelle des substances pensante et étendue (leur opposition d'essence) et d'autre part leur union de fait (dans la VIe Méditation); une union qui demeure de l'aveu même de Descartes inexplicable.Afin d'échapper à cette aporie du dualisme radical et remarquant à juste titre que Descartes postule sans jamais prouver qu'il serait contradictoire pour une chose étendue de penser Gassendi est dès lors conduit à proposer une théorie substitutive celle d'un dualisme réduit où l'opposition d'essence serait remplacée par une différence de degrés: plutôt qu'à deux substances irréductiblement opposées il se pourrait que l'on ait affaire note Gassendi à « une seule substance avec deux propriétés distinctes »; sans paraître toutefois remarquer qu'il se heurte ce faisant à une « difficultas generalis » semblable quoi qu'inverse à celle rencontrée par Descartes…Ainsi ce livre formule-t-il pour la première fois clairement l'antinomie qui gouverne tout le développement de la métaphysique moderne et qui continue encore sous des formes nouvelles d'occuper les philosophes aujourd'hui.