"Je lève les yeux. Mon refuge est parfait. Chambre et jardin. Les hauts acacias remuent doucement devant moi. Je sens les vignes tout autour à cent mètres comme un océan sanguin. C'est la fin de l'après-midi le moment où le raisin chauffe une dernière fois sous le soleil fluide. J'ai donc fini par revenir ici. Après tout ce temps. Chez moi en somme. Ou presque. L'une de mes soeurs m'a prêté la maison... Ni ferme ni manoir ni château ; "chartreuse" ils appellent ça repos chasse vendanges... Avec son drôle de nom musical anglais : Dowland... Je suis arrivé en voiture il y a deux heures... J'ai pris un bain j'ai mis mon smoking pour moi seul je me suis installé sous la glycine pieds nus... Premier whisky cigarettes... J'ai sorti ma machine à écrire mon revolver mes papiers : dossiers lettres cahiers et carnets... Vérifié si les malles étaient là celles que j'ai demandé à Laure de me garder... Oui deux grosses caisses remplies à craquer. Notre enfance aussi est tassée dedans je suis sûr qu'elle n'a jamais jeté un coup d'oeil..."