Après de brillantes études à Oxford le jeune et beau Warren fils de sir Edgar et de lady Deirdree décide de passer le reste de ses jours dans une ferme isolée. Il travaille du matin au soir n'adressant la parole à son valet et à sa cousine-servante Barny qu'en cas d'absolue nécessité. «C'est si bête de parler» répond-il aux reproches de sa mère. Même les cris d'angoisse de sa maîtresse ne lui arrachent pas une parole. Le personnel de Whittleborough Lone Farm est complété par un prisonnier de guerre allemand qui pétrit des colombes en mie de pain et par une souriante femme de ménage incarnation du Démon. À Barny privée de la France de l'Église et de sa fille il ne reste qu'un trésor : le Petit Larousse Illustré qu'elle lit chaque soir après avoir remplacé son sarrau par une robe de cérémonie. En face du silence de son cousin le dictionnaire représente le Verbe le salut. Pourtant le mutisme du jeune homme si chargé de mépris soit-il est un effort de vérité : ne rien dire pour ne pas mentir. Dans ce combat où il est à la fois l'Ange et Jacob le dernier des Deirdree périra : une hémorragie cérébrale fait de lui un mort-vivant. Pour dépeindre un personnage qui refuse la compromission des mots l'écrivain ne dispose que de mots. Du moins s'est-on astreint ici à la plus extrême brièveté. En outre l'auteur s'est efforcé de donner à son style l'aspect d'une traduction afin d'insinuer que tout se passe aussi «ailleurs» et que la ferme perdue où le fermier vend une vache pour en acheter une autre identique où les bêtes meurent à la naissance où les gens s'ignorent mais où le ciel parfois accorde quelque signe c'est notre petite planète.