Le constat semble faire chaque jour l'unanimité : l'une des pires menaces qui pèserait sur l'Occident d'aujourd'hui résiderait dans l'islam politique. Le phénomène dicterait l'avenir des sociétés musulmanes déstabiliserait l'ordre mondial et ruinerait les valeurs attachées à l'expérience historique occidentale - comme hier au tournant des XIXᵉ et XXᵉ siècles le panislamisme avait convaincu les chancelleries d'une inéluctable confrontation entre islam et civilisation. Pour comprendre l'islam politique contemporain il convient de revenir à ce que Nadine Picaudou définit comme le moment moderne de l'islam. Entre les années 1860 et 1930 l'islam devient un régime de croyances et de pratiques qui s'objectivent dans les univers politique et social : loin de s'accompagner d'un désenchantement du monde la modernité musulmane rationalise le message révélé et l'émancipe de la scolastique du savoir établi. Référence disputée dans le débat public l'islam entre dans de nouveaux dispositifs de gouvernement à l'heure où les pouvoirs sont confrontés à la nécessaire redéfinition des formes de la souveraineté de la législation et de la légitimité. Enrôlé dans toutes les mobilisations politiques contre la domination étrangère l'islam nourrit dans le même temps de nouveaux répertoires de l'action collective. Le moment moderne de l'islam est ainsi celui de la transformation du religieux en idéologie préalable à toutes les politisations contemporaines.