"Prise entre un sentiment d'infériorité coloniale et la lutte contre la mélancolie que l'éloignement alimente la poésie hispano-américaine aspire à l'élaboration d'une voix propre. À la fin du XIXᵉ siècle le souffle politique et humaniste venu d'Europe porte ses fruits dans un monde déjà en rupture. Du plus profond de ces territoires le poète nicaraguayen Rubén Darío bouleversera le genre poétique : par l'ampleur de sa vision il transforme le langage du poète et la portée de son rôle. Cette anthologie réunit les oeuvres les plus remarquables de la poésie hispano-américaine. Elle retrace le déploiement de cette parole dans l'Amérique latine depuis Darío. Les soixante-dix poètes qui y figurent de sensibilités et d'esthétiques distinctes viennent de pays de langue espagnole ce qui exclut l'immense Brésil dont l'histoire littéraire est coupée de ses voisins proches. Malgré les singularités se révèle une avancée commune de la parole poétique. Contre la diversité que promet la géographie il existe une cohérence que propose l'histoire. Certes on reconnaît le souffle de la poésie chilienne la fureur péruvienne et l'étonnant calme mexicain. Et pourtant il existe des correspondances des similitudes des chemins communs. La poésie hispano-américaine a voulu laisser une trace interroger et affirmer une forme particulière d'être au monde. Elle se dresse affirmative contre l'inexorable avancée du temps qui lui refuse l'éternité que son esprit réclame. L'écrivain mexicain José Emilio Pacheco écrivait : "La poésie est l'ombre de la mémoire Mais elle sera matière de l'oubli" Puisse cette anthologie contribuer à faire reculer les frontières de l'oubli." Philippe Ollé-Laprune.