Crumb passe la Genèse au prisme de son art la BD plus précisément le comix qui en est la forme américaine insoumise. Jamais il ne cède à la tentation de se hausser au-dessus de son médium c'est son médium qu'il élève en y apportant toute la force la ferveur la liberté dont son génie est fait. Ce qui singularise sa version de la Genèse l'affranchit de tout soupçon de blasphème ou à l'inverse de conversion tardive c'est son choix d'une adaptation sans interprétation sans discours ni "mise à distance" critique. Le texte composé à partir de différentes traductions (Torah King James nouvelle traduction Alter) est donné à voir verbatim pourrait-on dire dans une mise en scène simple et ample avec un souci du détail historique et du geste juste quasi cinématographique. C'est un miroir qu'il tend dans lequel Adam et Ève Caïn Noé Abraham Isaac Sarah et la multitude de leur descendance acquièrent sous sa plume portée par une énergie primordiale un visage un poids une vérité charnelle qui nous les rendent si familiers qu'ils redeviennent nos parents proches les modèles sur lesquels s'est calquée toute humanité. Habité transcendé par son sujet Crumb produit son Magnum opus un roman graphique sans équivalent à la fois intime et universel grave beau et jubilatoire scellant en quelque sorte la rencontre de Gustave Doré et Cecil B. DeMille.